
La fin du monde au cinéma est toujours terrible, mais souvent belle, incroyable, sauvage et aventureuse. Les psychologues ont un concept pour ça, la curiosité morbide, cette passion pour ce qui fait peur, mal, inquiète et pourtant nous attire étrangement. La raison pourrait être bien plus profonde que la simple et rapide explication d’un monde qui s’est privé de moralité, ce type de comportement, la passion des foules pour les tortures par exemple, ne semblant pas vraiment propre à notre époque. Nous aimons nous confronter à la déchéance, peut être pour apprécier notre chance, peut être pour se préparer au pire. A défaut d’une explication complètement satisfaisante, il faut constater que les dystopies sont largement majoritaires dans la science-fiction, rivalisant d’ingéniosité pour nous faire passer de vie à trépas et nous faire vivre les affres de fin du monde , même si certains observateurs voient quelques espoirs dans les tentatives utopiques de la SF.
La littérature de science-fiction, lorsqu’elle n’est pas rangée dans vos rayons sciences-fictions, est souvent tout autant fangeuse, désespérante et anxiogène. Notons pour la discussion que dans l’immense majorité des cas, ces récits se classe dans l’anticipation plus que dans la science-fiction car ils ne font appel à aucun progrès technologiques ou scientifiques, ou très rarement, pour développer leur narration. Ils partent simplement de l’idée générale d’un drame à l’échelle planétaire, guerre ou maladie, dans lequel, avec une volonté très entomologique, les auteurs décrivent quelques fourmis humaines se débattrent dans la pourriture générale.
Ces romans sont l’occasion de voir le futur sans plus aucune fioriture technologique, uniquement par quelques destins humains écrasés par la solitude, la dégradation et balancés entre la peur et l’envie de mourir. Voici une liste parfaitement subjective de ces livres, connus et moins connus et pour tous les goûts, et sans aucun ordre d’importance ou de qualité, certainement pas exhaustive et vous êtes invités à en discuter sur notre Fb. Si j’aime l’univers sombre de Volodine, je dois avouer qu’Enig Marcheur, écrit dans une langue aussi détruite et reconstituée que le paysage environnant, traduit avec élégance du riddleyspeak, la langue inventée qui fait le charme du roman, par Nicolas Richard (qui a reçu un prix de traduction pour ce tour de force), et magnifiquement publié dans sa première édition par Monsieur Toussaint Louverture, est une ballade brillante, bouillonnante d’idées, suprenante et drôle, d’un futur après la destruction finale. Certains, Les aigles puent, Station Eleven, ou la constellation du chien, maintiennent l’espoir par la poésie d’un humanité résiduelle qui suffirait à rendre l’apocalypse acceptable. A vous de voir.
- Bain de boue – Ars O` -Editions du Sous-sol (2023)
- Plop – Rafael Pinedo – L’arbre vengeur (2011)
- Les aigles puent – Lutz Bassmann – Verdier (2010)
- Terminus radieux – Antoine Volodine – Seuil – (2014)
- La route – Cormac McCarthy – Editions de l’olivier (2008)
- Station Eleven – Emily Saint John Mandel – Rivages (2016)
- Enig Marcheur – Russell Hoban – Éditions Monsieur Toussaint Louverture (2013)
- La constellation du chien – Peter Heller – Actes Sud (2013)